Les mesures sanitaires mises en place afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19 entraînent une baisse d’activité des entreprises. Afin d’éviter le recours au chômage partiel, les employeurs peuvent envisager d’imposer à leurs salariés la prise de leurs congés payés ou de leurs jours de repos ou de déplacer les dates de congés ou repos déjà validées.
Quels sont les droits et les obligations de l’employeur en la matière ?
DÉROGATIONS EXCEPTIONNELLES AU RÉGIME DE LA PRISE DES CONGÉS PAYÉS ET DES JOURS DE REPOS
L’état d’urgence sanitaire permet au Gouvernement de déroger à certaines dispositions légales et notamment celles relatives à la prise des congés payés et des jours de repos.
L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos (Journal Officiel du 26 mars 2020) est venue préciser les conditions dans lesquelles un employeur peut imposer des jours de congés payés et des jours de repos à ses salariés, en vue de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19.
IMPOSER LA PRISE DE CONGÉS PAYÉS DANS LA LIMITE DE SIX JOURS PAR SALARIÉ
Un employeur peut désormais imposer ou modifier les dates de congés payés mais uniquement si cette possibilité est prévue par un accord de branche ou un accord d’entreprise. Ce qui en pratique vient fortement limiter cette possibilité pour les petites entreprises qui sont dépendantes, soit de la conclusion d’un accord par les partenaires sociaux de la branche professionnelle, soit de la conclusion d’un accord au sein même de leur entreprise, ce qui est rendu difficile par les conditions actuelles de confinement.
Rappelons qu’en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, un employeur peut conclure un accord d’entreprise selon les modes suivants :
- Dans les entreprises de moins de 11 salariés : référendum des salariés avec ratification par les deux tiers,
- Dans les entreprises de 11 à 20 salariés sans comité social et économique (CSE) : référendum des salariés avec ratification par les deux tiers,
- Dans les entreprises de 11 à 49 salariés avec carence de comité social et économique (CSE) : référendum des salariés avec ratification par les deux tiers OU accord avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés par un syndicat, cet accord devant être approuvé par la majorité des salariés.
- Dans les entreprises de 11 à 49 salariés avec comité social et économique (CSE) : Soit avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés par un syndicat, l’accord devant être approuvé par la majorité des salariés. Soit avec un ou des membres du CSE, mandatés ou non par un syndicat, représentant la majorité des suffrages exprimés en faveur des membres du CSE aux dernières élections professionnelles.
A l’heure actuelle, si quelques accords de branche ont pu être conclus pour permettre à l’employeur d’imposer des jours de congés payés sous certaines conditions, ils n’ont pas encore fait l’objet d’un arrêté d’extension permettant leur application dans les entreprises de la branche non adhérentes aux organisations syndicales signataires.
Si cet accord est validé, il devra déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé à imposer ou déplacer les dates de congés.
En tout état de cause, l’accord collectif devra limiter cette possibilité à 6 jours ouvrables de congés payés. Un délai de prévenance, qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, devra également être respecté avant de mettre en œuvre la prise de ces congés d’office.
Cette possibilité offerte à l’employeur ne concerne que les jours de congés payés acquis et non ceux en cours d’acquisition.
La possibilité d’imposer la prise de jours de congés payés s’applique y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ces congés ont normalement vocation à être pris. Par exemple, en application du Code du travail, la période de prise des congés payés commence le 1er mai. Si vous appliquez la période légale, vous pouvez imposer à vos salariés de prendre ces congés avant le 1er mai.
Cet accord collectif peut également autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise.
La période de congés imposée ou modifiée ne pourra s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
Si l’absence d’accord collectif, de branche ou d’entreprise, interdit à tout employeur d’imposer la prise ou la modification de congés payés à son personnel salarié, il demeure toutefois possible pour l’employeur et le salarié de se mettre d’accord sur la prise de congés. Le salarié peut également y trouver un intérêt puisque son salaire lui sera maintenu à 100 %, tandis que s’il était placé en activité partielle, il ne serait indemnisé qu’à hauteur de 84 % de son salaire net environ.
Si le commun accord est trouvé pour la prise de congés payés pendant cette période de crise, il est alors impératif de le formaliser sur un support écrit cosigné par l’employeur et le salarié.
IMPOSER LA PRISE DE JOURS DE REPOS DANS LA LIMITE DE DIX JOURS PAR SALARIÉ
Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, l’employeur peut désormais, de manière unilatérale, décider ou modifier les dates de certains jours de repos, dans la limite de dix jours, par dérogation au Code du travail ainsi qu’aux accords collectifs.
Ces jours de repos sont :
– ceux prévus par accord collectif, tels que les accords portant sur la réduction du temps de travail (RTT) : dans ce cas, ne sont concernés que les jours de repos effectivement acquis par le salarié et dont la date de prise est habituellement laissée au choix du salarié. L’employeur demeure libre d’imposer les JRTT qui relèvent de son initiative ;
– ceux prévus par une convention de forfait en jours sur l’année ;
– ceux découlant des droits affectés sur le compte épargne-temps (CET) du salarié : dans ce cas, l’employeur impose l’utilisation de ces droits par la prise de jours de repos.
Ces jours peuvent désormais être imposés ou modifiés par l’employeur, sans condition préalable d’accord d’entreprise ou d’accord de branche, dans la limite de 10 jours de repos et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc.
La période de prise de ces jours de repos imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
QUID DES AUTRES TEMPS DE REPOS ?
L’ordonnance ne vise pas l’ensemble des temps de repos. Ainsi la contrepartie obligatoire en repos (C. trav., art. L. 3121-30), due au salarié réalisant des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ou encore le repos compensateur de remplacement, remplaçant le paiement en numéraire des heures supplémentaires et de leurs majorations, ne sont pas visés par ces dérogations exceptionnelles.
Aussi, sauf à trouver un terrain d’entente avec son salarié, il ne sera pas possible pour l’employeur d’imposer la prise ou la modification de ce temps de repos à ses salariés et donc, de faire reculer l’entrée dans le dispositif de l’activité partielle en cas de difficultés économiques causés par cette crise sanitaire.